Le retour en force des coups d’État en Afrique depuis 2020, avec la multiplication des présidents en uniforme, fait écho à une époque que l’on croyait révolue. Pour beaucoup d’observateurs, ces événements marquent la fin d’un cycle et le début d’un autre, mais pas nécessairement d’un processus prometteur.
Le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, le Niger et récemment le Gabon ont tous été le théâtre de prises de pouvoir militaires. Ces coups d’État, divers dans leurs justifications, suscitent autant d’approbation que de controverse.
À côté de ces changements brusques, des dynamiques moins spectaculaires, mais tout aussi alarmantes se déroulent : successions dynastiques, modifications constitutionnelles et prolongations de mandats présidentiels. Les transitions promises par les juntes se heurtent à des prolongations indéfinies, tandis que les réformes démocratiques sont renvoyées aux calendes grecques. Tout cela soulève des inquiétudes quant à la trajectoire du continent.
Retour des vieux démons ?
Ce qui se passe actuellement en Afrique subsaharienne rappelle fortement les décennies post-indépendance. À l’époque, les militaires se justifiaient en pointant du doigt l’incapacité des dirigeants civils à gouverner. Promettant de rectifier les erreurs, ils se sont souvent enlisés dans des régimes autoritaires et des violences d’État.
Les années 1990 ont marqué un retour progressif à la démocratie, forçant les militaires à retourner dans les casernes ou à abandonner leurs uniformes pour se présenter comme civils. Mais les événements récents suggèrent que cette période de stabilité démocratique pourrait s’effriter.
Pendant trois décennies, l’Afrique a semblé avancer sur la voie de la démocratie, même si, dans certains pays, les militaires intervenaient sporadiquement pour rétablir l’ordre constitutionnel. Cependant, les récents coups d’État reflètent une logique différente, marquée par un appétit pour le pouvoir prolongé et une remise en question des institutions démocratiques.
Cette tendance pourrait être attribuée à un contexte géopolitique changeant. La montée en puissance de nouveaux partenaires internationaux, notamment des pays du bloc de l’Est, a ravivé un discours souverainiste et anti-occidental. Ce basculement rappelle les alliances de la guerre froide, où les régimes militaires africains se positionnaient en opposition aux anciennes puissances coloniales.
Une répétition de l’histoire ?
Le remplacement de partenaires occidentaux par d’autres acteurs internationaux ne garantit pas un changement profond des systèmes. Les slogans souverainistes et les démonstrations de force risquent de se diluer, comme par le passé, dans des gouvernances inefficaces ou autoritaires. Cette dépendance continue des élites africaines à des partenaires extérieurs reflète une incapacité à s’affranchir véritablement des influences étrangères.
Pour rompre ce cycle, les pays africains doivent tirer parti des leçons de leur histoire. Thomas Sankara, figure emblématique de la révolution africaine, avait lui-même admis les limites des révolutions idéologiques. Malheureusement, ces enseignements n’ont pas été pleinement intégrés.
La multiplication des dirigeants en uniforme, ornés de médailles et de galons, symbolise une autorité basée sur la force plutôt que sur le consensus. Ce retour en arrière risque de reproduire les erreurs du passé, avec des conséquences similaires. Comme le dit l’adage : « Les mêmes causes produisent les mêmes effets. »