Dernier pays sahélien à abriter des forces françaises, les autorités tchadiennes ont annoncé, le 28 novembre, la fin de l’accord de coopération en matière de défense signé avec Paris depuis la fin de l’époque coloniale. Une annonce qui a créé le tollé et derrière laquelle se cachent des velléités.
La coïncidence entre le souhait du Sénégal de fermer les bases militaires françaises sur son sol et celui du Tchad, qui abrite un millier de soldats français répartis sur trois bases (N’Djaména, Abéché et Faya-Largeau), sonne comme un coup dur pour la France.
Il aura fallu attendre la vague de réactions suscitées dans l’opinion pour qu’un coin de voile soit levé sur l’annonce de N’Djaména.
Selon les autorités tchadiennes, il s’agit d’une décision élargie visant à mettre fin à toute présence militaire étrangère sur leur territoire, et non spécifiquement dirigée contre la France.
« Le Tchad ne tourne pas le dos à la France », a clarifié le chef de la diplomatie tchadienne, Abderaman Koulamallah. Il a précisé que la France reste un partenaire important pour le pays, mais qu’il n’y aura ni militaires français ni militaires russes sur le territoire tchadien. Toutefois, une coopération ouverte avec la France, la Russie et tous les pays du monde demeure envisageable.
Comme un air de conditionnement d’opinion
Le Tchad affirme n’avoir pas besoin d’une présence étrangère pour assurer la sécurité des populations et l’intégrité territoriale, selon ses autorités. N’Djaména soutient que les accords militaires avec la France ont atteint leurs limites tout en rappelant que la France reste un partenaire important.
Les autorités tchadiennes justifient leur décision comme une réponse à la demande du peuple tchadien pour une souveraineté accrue. Cette annonce a été faite en marge du 66e anniversaire de la proclamation de la République du Tchad, le 28 novembre 1958.
Un jeu d’équilibrisme ?
Au lendemain de sa prise de pouvoir, la visite de Mahamat Idriss Déby en Russie avait fait polémique. Une vidéo de son entretien avec Vladimir Poutine avait circulé sur les réseaux sociaux, dans une posture peu valorisante.
Cependant, depuis lors, Mahamat Idriss Déby semble avoir maintenu une position équilibrée, sans renier la France de Macron, souvent accusée par certains de l’avoir installé au pouvoir après le décès de son père, Idriss Déby Itno, en avril 2021.
En renonçant à l’accord militaire, Mahamat fait d’une pierre plusieurs coups : il prend le risque de mettre en difficulté son principal soutien, la France, tout en esquivant Moscou et en satisfaisant les aspirations souverainistes.
Des mérites pour N’Djaména ?
Contrairement aux pays de l’AES, les autorités tchadiennes ont rejeté toute idée de disgrâce avec la France, en expliquant leur démarche. Elles affirment qu’il ne servirait à rien de remplacer la France par une autre puissance.
Cependant, reste à savoir si l’armée tchadienne sera capable d’assumer seule ses défis sécuritaires dans un pays confronté à Boko Haram et aux rébellions internes. Revendiquer une autonomie militaire totale, comme le fait le Tchad, semble audacieux, même si le chef de la diplomatie a ajouté que le terrorisme n’est pas un problème que le Tchad peut gérer seul.
Si cette posture n’est pas explicitement anti-française, elle remet néanmoins Mahamat Idriss Déby dans les bonnes grâces des souverainistes tout en ouvrant la porte à d’autres types de partenariats.
Lui, qui, à l’image de ses pairs du Mali et de la Guinée, colonels devenus généraux par décret, pourrait bien se muer en maréchal. Comme dit le dicton : « À malin, malin et demi. »