L’ancien patron de la base navale de Cotonou a été interrogé le jeudi 18 juillet 2024 dans le cadre de l’affaire de vol présumé de carburant au sein de la marine béninoise. Cependant, ses déclarations ont été remises en question par le responsable de la gestion du carburant au sein de l’unité lors de son témoignage devant les juges de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET).
La deuxième audience relative à la disparition de carburant à la base navale de Cotonou s’est tenue le jeudi 18 Juillet. Dans ce dossier, quatorze (14) militaires de la marine béninoise font l’objet de poursuites devant la Cour spéciale pour des accusations de « abus de fonctions, recel de carburant et blanchiment de capitaux ».
Les mis en cause sont poursuivis pour détournement et vente de réserves de la base navale de Cotonou. Parmi les quatorze prévenus, six font face à des poursuites sans mandat de dépôt, tandis que les huit autres, y compris l’ancien chef de la base navale, sont en détention provisoire. Tous les 14 prévenus ont plaidé non coupable face aux accusations portées contre eux devant la CRIET.
La déposition de l’ex-commandant de la base
Le premier responsable de la base navale de Cotonou s’est expliqué sur les accusations mises à sa charge. A la barre, le commandant a fait savoir que la base navale n’est pas une station. Mieux qu’elle ne dispose pas d’un budget.
Selon le point fait par Banouto, il a précisé que les embarcations sont ravitaillées au cas par cas. C’est-à-dire, quand le besoin se fait sentir. Le ravitaillement de la base navale de Cotonou, selon le chef de corps, est assuré par la marine nationale. L’ex commandant a affirmé n’avoir jamais vendu du carburant de la réserve de son unité à des tiers.
L’accusation mentionnant une somme comprise entre 40 000 et 45 000 FCFA perçue. Une accusation rejetée par l’ex commandant. Cependant, il a admis que certains agents de divers services à l’embouchure de Cotonou contribuent volontairement aux soutiens de la base. Le commandant justifie que cet argent sert à l’aménagement et à d’autres besoins de la base.
L’officier a déclaré que cette contribution n’est pas obligatoire, cependant aucune quittance n’est fournie. En réponse à la question de la Cour concernant des paiements du gestionnaire de carburant de la base au commandant, le chef de corps a catégoriquement nié une telle pratique.
Le ministère public a présenté quelques extraits du téléphone du prévenu, mettant en évidence que le chef de la base navale avait mentionné une souscription. La représentante du procureur spécial a exprimé le souhait d’obtenir des éclaircissements concernant ces échanges téléphoniques.
Le soldat a clairement indiqué qu’il s’agissait d’une discussion concernant une proposition de souscription visant à aider des camarades admis à la retraite d’office. Cependant, il a souligné que cette souscription n’a pas été couronnée de succès. Elle est restée à l’étape de l’idée.
La Cour a noté que le commandant a effectué des dépôts sur des comptes mobile money appartenant à des collègues. Le prévenu a justifié cela en affirmant qu’il apportait une assistance à des collègues en difficulté. En ce qui concerne l’approvisionnement en carburant à titre personnel, le commandant a déclaré qu’il bénéficiait d’un peu plus d’un million de FCFA de tickets carburant par an.
L’ancien chef de la marine a déclaré devant la Cour qu’il n’avait jamais épuisé son allocation de carburant. Il a précisé qu’il la partageait fréquemment avec ses collègues et ses amis.
Le gestionnaire de la base contredit son patron
Après avoir entendu le commandant de la base navale de Cotonou, le responsable en charge de la gestion des carburants de l’unité a été interrogé. Ce militaire se décrit comme un manÅ“uvrier, c’est-à-dire un conducteur de véhicules sur la base. Il a reconfirmé son rôle de gestionnaire du carburant à la base navale de Cotonou.
A la barre, l’accusé a affirmé n’avoir jamais été impliqué dans la vente de carburant volé. D’après lui, le carburant dont il a supervisé la distribution n’est en aucun cas le fruit d’un vol, car il recevait toujours des instructions en ce sens.
« Je n’ai jamais vendu de carburant à qui que ce soit. Tout ce que j’ai fait sur la base navale de Cotonou est sur ordre de mon commandant », a-t-il déclaré.
Nommé à son poste en novembre 2023, le militaire a déclaré qu’il avait supervisé l’élimination d’environ 28 tonnes de carburant. Initialement, il a expliqué qu’il entreposait le carburant excédentaire dans de grands réservoirs après les opérations. Cependant, sur instruction de son supérieur, il a ensuite commencé à utiliser des bidons de 25 litres, justifiant cette décision par l’augmentation significative des réserves de carburant après les opérations.
Ce sont ces stocks de carburant qu’il affirme revendre sous les ordres de son commandant. Ainsi, selon lui, il n’était pas impliqué dans le vol, mais simplement soumis à l’autorité et aux instructions de son supérieur. Insistant sur ce point, le gestionnaire a souligné que tous les bénéfices issus de ces ventes sont directement versés à l’ancien chef de la base navale.
Il a mentionné qu’il ne reçoit aucune compensation en retour, et qu’il lui est même impossible de retenir ne serait-ce qu’un seul franc de cet argent car son supérieur contrôle minutieusement le tarif de chaque transaction. Le prévenu a souligné devant les juges que toutes ces ventes sont entièrement traçables. Il affirme consigner tous les détails des opérations avec un autre collaborateur dans un cahier dédié.
La Cour soulève un doute
Après sa déposition incriminant l’ancien commandant de la base navale, le président des lieux a tenté de comprendre la nature des communications entre le gestionnaire et son supérieur. Selon le magistrat, il n’y a aucune trace d’appels téléphoniques entre les deux concernant la vente de carburant. En revanche, de nombreux échanges ont été relevés avec un autre collaborateur.
« Comment vous pouvez expliquer cela alors que vous avez dit que vous faites le point à votre commandant ? », a lancé le président au prévenu.
Le responsable a répondu avec sérieux qu’il rend généralement compte à son supérieur dans son bureau. « Je vais informer le commandant de la situation dans son bureau », a-t-il déclaré en insistant sur le fait qu’il en va de même lorsqu’il s’agit de recevoir des ordres. Il a précisé que son supérieur est presque toujours à la base navale.
Dans d’autres extraits présentés par la Cour et rapporté par le média, l’ancien gestionnaire a été en contact avec des « clients » qui l’ont sollicité pour obtenir du carburant.
« Quel trafiquant vous a contacté pour acheter du carburant? », demanda le juge avec sérieux. Le gestionnaire admit avoir été contacté par ces individus, mais affirma qu’il leur avait répondu qu’il ne vendait pas de carburant lui-même.
Le militaire a affirmé qu’il avait promis à ses interlocuteurs de les contacter dès qu’il y aurait de la disponibilité. Il a martelé qu’il s’agissait strictement d’une question de disponibilité et non de vol de carburant.
« Que fait l’argent que vous remettez au commandant selon vous puisqu’il ne vous donne rien ? », a lancé la Cour au manÅ“uvrier.
Le responsable a signalé que de nombreux travaux mineurs sont effectués à la base navale. Il a estimé que c’est à partir de ces fonds que son supérieur finance ces projets. De plus, il a noté que l’ancien commandant fait parfois appel à des experts externes pour intervenir sur des pannes au sein de l’unité.
Après plus d’une heure de débats, la Cour a reporté l’affaire au 14 août 2024 pour poursuite.