Sa voix résonnait en écho, sans qu’on ne puisse y mettre un visage, au travers d’une chronique hebdomadaire. L’une des plus suivies sur les réseaux sociaux au Bénin et sa diaspora.
Steve Amoussou, connu sous le pseudo «Frère Hounvi» est arrêté dans la nuit du 12 août 2024 à Lomé dans la capitale togolaise, gardé à vue au Bénin pour être présenté au procureur de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). Le célèbre chroniqueur, très acerbe contre le régime Talon, mis à découvert, fait depuis lors l’objet de tous les commentaires.
L’opposition béninoise qualifie l’acte d’enlèvement.
Selon Me Aboubakar Baparapé, président de l’Organisation pour la défense des droits de l’homme et des peuples (ODHP), il a été interpellé par quatre ravisseurs alors qu’il allait faire des achats et transféré au Bénin sans aucune procédure d’extradition.
Vice de procédure ?
En dépit de toutes les considérations juridiques du statut du mis en cause et autres démonstrations juridiques, il revenait à la police togolaise d’interpeller « Frère Hounvi », et suivre une procédure régulière d’extradition vers le Bénin.
Ce n’est pourtant pas pour la première fois que des personnes recherchées au Bénin se retrouvent sur le territoire togolais.
L’homme d’affaires béninois Kikissagbé Godonou Bernard alias KGB a été arrêté le 31 mai 2018 à Lomé au Togo et remis à la police béninoise. Codjo Kossi Alofa, présumé assassin de Pierre Urbain Dangnivo, en fuite de la prison civile d’Akpro-Missérété, arrêté au Togo, la veille a été gardé avant d’être extradé au Bénin, le 28 mars 2015. Si les faits son avérés tels que présentés par Me Aboubakar Baparapé, en premier la police Togolaise devrait être en état d’alerte pour appréhender leurs auteurs.
Au cas où elle aurait coopéré sans tenir compte de la nature du dossier, toutes les organisations de défense des droits humains devaient s’insurger contre une telle procédure. Des cas de coopération d’interpellation entre Etats sont légions et les dossiers font souvent objet de minutieuses appréciations.
Du cas Sunday Igboho
L’un des récents dossiers qui a fait des vagues entre le Bénin et le Nigeria a été celui du séparatiste, fervent partisan de la création d’une nation « Yoruba », Oloye Sunday Adeyemo dit Sunday Igboho, arrêté le 19 juillet 2021 à l’aéroport de Cotonou au Bénin, alors qu’il était en partance pour l’Allemagne. Il était recherché par la police nigériane pour atteinte à la sûreté de l’État, après avoir fui le Nigeria, suite à la perquisition de sa résidence le 1er juillet 2021.
Libéré en mars 2022 après sa détention à la prison civile de Cotonou, l’activiste a poursuivi le Bénin devant la Cour de justice de la CEDEAO sise à Abuja pour détention illégale et violation de ses droits humains fondamentaux. Cette dernière a condamné le Bénin à lui verser une somme de 20 millions à titre de dédommagement.
De quoi relève le phénomène «Â Frère Hounvi »Â ?
«Â Frère Hounvi » est une fabrique propre aux systèmes politiques qui étouffent les voix critiques. Devenu l’une des rares voix de contradiction et portevoix d’une masse qui se déplace cagoulée, ou au sourire dent jaune sous le poids des fardeaux quotidiens, sans pouvoir donner de la voix. Beaucoup se plaisent d’ailleurs à ironiser sur les contraintes auxquelles ils doivent faire face pour opiner sur l’espace public, comme sur les réseaux sociaux du fait de différentes lois.
En attendant de connaitre des griefs mis à sa charge, l’opinion aura retenu de lui ce qu’il a été pour chacun en fonction du côté où il se situe. Voix des sans voix pour les uns ou Å“il de Caïn pour les autres. Des histoires assez cocasses ont souvent éclaboussé ceux de sa trempe, de Socrate au Christ, jusqu’à nos jours.
«Â Fais énergiquement ta longue et lourde tâche dans la voie où le sort a voulu t’appeler», invitait Alfred de Vigny.