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L’AES, une chance pour la CEDEAO

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Etablie par le traité de Lagos signé le 28 mai 1975 par une quinzaine de pays, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), traverse ces dernières années une crise sans précédent depuis son avènement.

La signature de l’acte constitutif de la Confédération des États du Sahel (AES), le 6 juillet 2024, à Niamey  laisse présager un tournant décisif au sein de la CEDEAO qui jusqu’ici a connu des hauts et des bas. Les récriminations faites à l’endroit de l’institution sous-régionale ont atteint leur point culminant avec le retour des militaires au pouvoir en Afrique de l’ouest suite à des coups d’Etat suivis de sanctions de la CEDEAO, soixante ans après les indépendances et trente ans de renouveau démocratique en dent de scie.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est l’annonce par la CEDEAO de la mise en place d’une force de réserve pour déloger la junte qui a pris le pouvoir le 26 juillet 2023 au Niger, avec à sa tête le général Abdourahamane Tiani, en renversant le président Mohamed Bazoum. Le Mali et le Burkina ayant à leur tête des militaires venus au pouvoir dans les mêmes conditions et qui étaient sous la pression de la CEDEAO ont ensemble avec le Niger signé en septembre 2023 la charte d’entraide militaire dite du Liptako Gourma. Un acte de non-agression  contre leurs pays qui va déboucher en la constitution d’une confédération suite à leur annonce conjointe du départ de la CEDEAO, fin janvier 2024.

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Avec la constitution de la confédération, le général Abdourahamane Tiani, le colonel Assimi Goïta et le capitaine Ibrahim Traoré respectivement dirigeant du Niger, du Mali, et du Burkina Faso se sont engagés à renforcer leur coopération dans plusieurs domaines. La présidence tournante de l’AES sera assurée durant un an par le président de la transition du Mali et chef d’Etat Assimi Goïta. A la suite du Niger qui a abrité les travaux, le Burkina accueille la première session parlementaire de la nouvelle institution.

Toutefois, si officiellement ce n’est pas décliné, l’AES reste un outil de coordination diplomatique. Ouagadougou et Niamey ont suivi Bamako dans son rapprochement avec Moscou, avec l’arrivée de mercenaires russes dans ces capitales.

Vers la fin de la CEDEAO ?

Dans un contexte sociopolitique et géopolitique tumultueux comme celui que connait actuellement l’Afrique de l’Ouest, le virage pris par ces trois pays du sahel Mali, Burkina et Niger, appelle à une remise en cause profonde de la CEDEAO, perçue jusqu’ici comme un «syndicat de chefs d’Etat», en opposition aux aspirations des populations.

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Et pour cause, bon nombre de ses décisions en lien avec la gouvernance des Etats membres laissent à désirer et ses prises de positions jugées taillées à la tête du client.

Des accusations plus ou moins fondées qui appellent à des réformes profondes de l’institution qui a porté jusqu’ici une communauté de destin voulue par ses pères fondateurs comme une locomotive pour entrainer le développement et qui se retrouve à grincer de détresse, à un peu moins de cinq décennies d’existence.

Quoique, les militaires une fois au pouvoir ne manquent d’initiatives pour légitimer leur coup par des  manifestations populaires, et/ou griefs à l’encontre de telle puissance et organisme. Tout ceci décuplé par le phénomène des réseaux sociaux qui ainsi participe à la manipulation de masse grâce à des discours propagandistes. Parfois avec des soutiens insoupçonnés de puissances présentées comme souverainistes dont les accords avec les nouveaux « hommes forts » sont tenus loin des regards indiscrets.

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Si le temps a fait ses Å“uvres sur la survie de la CEDEAO, ce n’est pas que le chantier n’a pas évolué, mais plutôt que les enjeux actuels appellent à de nouvelles perspectives pour faire résolument face à nombre de paramètres, sociopolitiques, économiques, et géostratégiques.

Alors, que faire ?

Quel qu’en soit leur nature ou leur envergure, les crises ont cette alchimie de conduire à des mutations. Il serait aventureux de traiter la situation de la CEDEAO, exclusivement en se limitant aux aspirations ou griefs émis par les nouvelles autorités des Etats constitutifs de l’AES autant qu’il faudrait en faire une priorité pour ajuster les voiles de ce navire afin de parer aux éventuelles tempêtes à l’horizon des cinquante et cents prochaines années.

S’il est courant d’entendre au titre des accusations qu’il faut débarrasser la CEDEAO des clichés d’être à la solde de puissances étrangères, c’est une posture légitime qui tout de même reste discutable. Car à la réalité, dans les partenariats stratégiques, les clauses obligent les parties sur un certain nombre de réciprocités, de valeurs et de principes.

Lorsqu’on s’en tient à la fonction première de la CEDEAO, notamment économique, chaque région du monde à ses principes. Et si certaines ne se préoccupent des réalités de leurs partenaires d’affaires que de leurs intérêts,  les principes de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ramènent à la réalité des taux d’intérêts des prêts sur le marché international qui relèvent de la situation sociopolitique et de la stabilité politique du bénéficiaire des emprunts.

C’est de l’ordre de la routine aujourd’hui que tous les Etats sont sur les marchés financiers pour lever des ressources. Cette réalité reste encore plus corsée lorsqu’il s’agit de dons ou de mise en Å“uvre d’investissements directs d’Etats partenaires. Propre à l’occident, alors que sous d’autres horizons, certains partenaires n’y sont pas regardant.  En dépit des velléités de domination des puissances occidentales qu’on peut lier avec ces derniers, il serait superflu pour des gens qui réclament plus de bonne gouvernance de prise en compte des aspirations des populations et de démocratie, de ne pas voir de quel côté, les intérêts des communautés transparaissent le plus. Sans oublier qu’au bout du compte, les États n’ont pas des amis mais des intérêts.

Il serait alors naïf de penser que dans le monde, d’hier à aujourd’hui, il y ait des partenaires totalement désintéressés qui sont de fins philanthropes ou encore l’armée du salut, qui derrière leurs soutiens n’attendent rien en retour, soit en influence ou en ressources… Cependant, ce qui est nécessaire est comment équilibrer les rapports pour éviter que la balance ne se penche d’un côté au détriment de l’autre, ou être une caisse de résonnance.

Des pistes de solutions ?

Les oiseaux du même plumage volent ensemble dit-on. La CEDEAO est une organisation qui noue des partenariats sur divers domaines de développement ; le monde n’étant pas en vase clos.  Aujourd’hui, il s’observe que les États qui targuent l’organisation sous-régionale d’être à la solde de certaines puissances ne manquent de se trouver des alliés. Peut être ceux dont-ils jugent les accords moins contraignants par rapport à leurs orientations actuelles.

Cela suppose qu’il faudra tout en tenant compte des cris des « sirènes » régir l’organisation par des mécanismes plus rigides qui puissent éviter des aventures de gouvernance, définir des objectifs plus fédérateurs au-delà d’Etat membres mais plutôt allant jusqu’à la confédération ou la fédération. L’expérience a montré que le modèle actuel où chaque Etat depuis les indépendances tient bec et ongle à ses quelques kilomètres carrés de terres n’est pas la solution pour une véritable expression et affirmation de la sous-région dans le concert des nations. « Plus unis, plus fort », est une devise qui doit être de mise au point de sauter les barrières du « crayon de Berlin » qui fait croire que certains sont de tel pays ou tel autre. Pensant parfois que leurs problèmes n’est pas celui des autres, ou qu’ils peuvent faire comme à leur bon vouloir.

Si la CEDEAO a permis d’avancer afin d’avoir aujourd’hui le statut de citoyen communautaire pour un ressortissant d’un pays dans un autre aujourd’hui il faudrait aller au-delà. Même s’il est évident que cela ne peut se faire en un seul jour, il faudra planifier et projeter de profondes mutations inébranlables face aux adversités.

Quelles réformes nécessaires ?

En dehors des réformes économiques en lien avec la libre circulation des biens et des personnes, de zones de libres échanges économiques, les mutations au sein de l’espace CEDEAO appellent à des réformes institutionnelles qui passent par sa présidence qui ne devrait plus être un choix des dirigeants en conclave, mais plutôt une élection directe des populations.

Egalement, le choix des députés du parlement de la communauté ne doit plus se faire sur la base de désignation par les parlementaires souvent suivant des normes parfois déséquilibrées des assemblées nationales, mais plutôt suite à de scrutins directs des populations.

Les communautés de la sous-région à travers ce mode de désignation devront pouvoir appréhender la vision que tente de défendre chaque député ou groupe de députés allant siéger au parlement sous-régional mandaté.

Le président de la communauté devrait avoir une vision présentée s’alignant sur la vision de l’organisation définie à court ou moyen terme et permettre à ce que les communautés en votant pour son programme puissent être à même de s’attendre en un temps record lors de son mandat à sa concrétisation.

L’harmonisation des constitutions et de la durée des mandats semble importante ainsi que la période de tenue des élections et le type de mandat renouvelable ou non ; afin que tous les Etats membres puissent être régis par des mécanismes politiques alignés, et non disparates au point de créer des conflits d’appréciation et à la longue des situations comme celles qui s’observent actuellement.

Si tant est que chaque état a ses particularités, le mécanisme doit être pensé afin qu’il puisse s’arrimer à celui de la communauté CEDEAO.

Qu’en est-il de l’Economie et autres ?

La question de l’économie qui passe par la monnaie communautaire comme celle de l’ECO projetée appelle à bien de paramètres qui doivent tenir compte du modèle économique des Etats membres quitte à réorganiser les Etats en des pôles de développement économique. Il serait inutile de se lancer à des concurrences de productions ou autres, sans toutefois perdre l’autonomie en cas de défaillance d’un des Etats et que l’ensemble ne soit durement affecté.

La politique monétaire étant tributaire de l’objectif économique, elle devra être bien pensée en lien avec les ambitions souhaités pour la transformation économique de la communauté afin qu’elle n’empêche l’industrie d’être compétitive ou affaiblisse le pouvoir économique des populations.

La question de la langue ou des langues officielles va s’ajouter ainsi que d’autres options comme celles de développement : économique, politique, technologique, scientifique, artistique, sportif, environnemental, éducationnel, culturel, touristique, afin d’embrasser tous les secteurs de développement.

L’arrimage des juridictions et mécanismes sous-régionaux juridictionnels qui s’imposent de fait seraient une avancée. Il est courant de voir des Etats devant les juridictions sous-régionales se soustraire à des décisions voir même souhaiter s’y retirer. « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté », précepte Jean-Jacques Rousseau.

Le monde est en crise, et l’Afrique de l’Ouest n’en est qu’un réceptacle. Force est de constater qu’après plus de trois décennies de démocratisation de la gouvernance, en soixante ans d’indépendance suite à la colonisation, le cycle d’un retour à la case départ des coups d’Etats observés aux lendemains des indépendances avec leurs lots de quête de partenaires de l’Est, et des hommes en uniformes au pouvoir, avec des déboires autoritaires, soient présentés comme une perspective d’avenir.

Au moment où les ensembles s’organisent dans chaque continent de façon méthodique afin de pouvoir tracer l’avenir et impacter les autres régions de la planète, la CEDEAO tient sa chance de se réinventer.

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