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Chronique

Le cadeau encombrant de Niamey à  Cotonou 

Par
Anges Banouwin
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Depuis une certaine époque, de mémoire, aucun conflit n’a été aussi ouvert entre le Bénin et un autre Etat, avec des propos et invectives à découvert.

Les relations entretenues par le pays et ses voisins en témoignent, malgré quelques intrigues avec le Nigéria, son grand voisin de l’Est, sur le contrôle de marchandises avec des cas de fermetures de frontières.

Mais depuis l’avènement des nouvelles autorités au Niger, suite au putsch  du 26 juillet 2023, la donne a changé. Surgissent des défiances, et accusations qui frisent des enjeux géopolitiques entre puissances antagonistes déplacés sur un autre territoire.

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Situation à prendre au sérieux ou épiphénomène ?

La dernière fois où la géopolitique s’est mélangée comme c’est le cas actuellement entre l’Occident et les pays de l’Est en pleine guerre froide, et que le Bénin s’était retrouvé en crise ouverte avec un voisin, le Togo à l’époque, est survenu la tristement célèbre agression mercenaire du 16 janvier 1977. De son vrai nom  »Opération crevette » conduite par le célèbre mercenaire français Bob Denard, qui visait à renverser le général Mathieu Kérékou. 

Une attaque qui a échoué face à la résistance d’un peuple béninois qui comme un seul homme s’était dressé contre l’envahisseur. Matérialisation de l’assertion, « Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise ». 

Si à l’époque c’était le Bénin (République populaire du Bénin) qui était tourné vers l’Est et le Togo vers l’Occident, notamment la France ; cette fois-ci, c’est l’inverse avec le Niger tourné vers la Russie et le Bénin l’Occident à priori.

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Mais doit-on craindre un bégaiement de l’histoire dans un sens ou dans l’autre ? Là  réside toute l’énigme, un peu comme  de façon stratégique, des dirigeants du continent agitent la théorie du complot (coup d’Etat) pour consolider l’adhésion populaire autour de leur pouvoir en vrille.

Pure stratégie à prendre au sérieux ou aveux d’impuissance de Niamey ?

L’interpellation au Bénin le 5 juillet dernier de cinq ressortissants nigériens à la station terminale du pipeline Niger-Bénin de transit du brut Nigérien de Agadem au Niger à Sèmè-Kraké au Bénin avait créé le tollé. Les nouvelles autorités nigériennes en réplique ont indiqué  à travers un communiqué de presse que Cotonou veut les pousser « à la faute ». Aveu ou légitimation de posture à adopter dans un plan savamment muri ?  La suite, c’est la coupure des vannes de l’oléoduc par Niamey. Et pourtant depuis l’entame de ce bras de fer, Cotonou  a  agité l’absence de documents administratifs formels sur le transit du brut entre les deux pays.  Ce qui sous-entend la nécessité entre les administrations des deux pays à charge des opérations à être en phase.

Retour à l’envoyeur de la patate chaude ?

A Cotonou, le  lundi 17 juin, le verdict du procès des trois Nigériens poursuivis sur les cinq précédemment interpelés après une première audition a surpris plus d’un. Tant les griefs et l’évocation d’informations récurrentes faisant état de la planification d’actes d’atteinte à la sûreté de l’État au Bénin à l’ouverture de l’enquête par le procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) ont rendu stoïque plus d’un.  Cette cour spécialisée dont on connait la fourchette des condamnations sur de pareilles accusations. 

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Le procureur spécial avait avancé qu’ils se sont fait confectionner pour la circonstance de faux badges d’employés de WAPCO Niger  et l’enquête a formellement établi qu’au moins deux parmi ces personnes sont des agents nigériens au service du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). 

Au final les prévenus ont été condamnés à 18 mois d’emprisonnement avec sursis après requalification des faits pour « fausse attestation et usage de fausse attestation » en « usurpation de titre et usage de données informatiques falsifiées ». Un verdict synonyme de libération pour regagner leur pays qui a fait tomber la pression. Une tournure du dossier avec des discours apaisants des deux parties au procès qui semble apporter une accalmie. Mais jusqu’à quand ?   

Comme un air de déjà vu…

L’interpellation des cinq Nigériens sur le terminal pétrolier de Sèmè-Kraké au Bénin rappelle l’arrestation le 10 juillet 2022, de 49 soldats ivoiriens à l’aéroport de Bamako et qualifiés de « mercenaires » par les autorités maliennes. 

Une situation intervenue durant la brouille entre Abidjan et Bamako dans un contexte diplomatique tendu aux lendemains du double putsch au Mali en août 2020 et  mai 2021.

Inculpés mi-août et formellement écroués ; durant six mois ces militaires de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) ont été au cÅ“ur d’un bras de fer politico-judiciaire entre Abidjan et Bamako.

Fin décembre, les 46 soldats toujours détenus sont condamnés à 20 ans de prison. Les trois femmes soldats libérées précédemment en septembre avaient quant à elles été condamnées à la peine de mort par contumace. Le 6 janvier 2023, tous seront graciés par le président malien.

S’il y a eu un médiateur officiel dans ce dossier, dans le présent entre le Bénin et le Niger il n’y en a pas eu. Et les choses sont allées également plus vite.

Toutefois, la fin de cet épisode permet de conclure qu’il s’est achevé sur un ton conciliant entre les peuples du Bénin et du Niger. Peut-être aussi que les circonstances de sa tenue s’y prêtent.

A chacun ses braises ?

A la suite du procès de Cotonou, hormis les allégations d’avant, la tension est tombée d’un  cran. Car en vrai dans la foulé il y avait bien plus corsé.

Niamey a enregistré  dans la nuit du 16 juin la première attaque contre l’oléoduc de près de deux mille km qui doit acheminer le brut depuis les puits pétroliers de Agadem  au terminal  de Sèmè-Kraké.  Un acte perpétré par le Front patriotique pour la Libération (FPL), dirigé par Mahmoud Sallah, qui a mis sa menace à exécution. Le FPL avait également revendiqué le 14 mai dernier  l’attaque d’une position militaire à Séguédine, dans le nord du pays, non loin de la frontière libyenne. Plusieurs soldats avaient été tués et du matériel détruit. 

En 2023, le leader du FPL était à deux doigts de faire la paix avec le régime du président déchu Bazoum mais le désarmement de ses partisans est interrompu par le coup d’État du 26 juillet. L’organisation s’est alors alliée avec l’ancien chef rebelle touareg Rhissa Ag Boula en reprenant les armes. 

Du haut de ses  expériences au cÅ“ur du pouvoir et fort de ses nouveaux attributs, le général Tchiani devrait enfin se résoudre à faire face à la réalité du pouvoir après bientôt un an à la tête du pays ; notamment les enjeux qui l’entourent et les conflits d’intérêts qui vont avec. Car, mieux le pouvoir est assis de l’intérieur, mieux il se porte. Vouloir l’assoir sur des dissensions extérieures serait, laisser la proie pour l’ombre.  

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