Live logo
Live logo
AccueilReflexionAnalyse et DécryptageNiamey et Cotonou dos au mur
opinion

Niamey et Cotonou dos au mur

-Publicité-

La mise en branle de la médiation des anciens présidents béninois Nicéphore Soglo et Boni Yayi  a insufflé un bémol dans la tension houleuse entre Cotonou et Niamey depuis l’avènement des nouvelles autorités au Niger le 26 juillet 2023. Un retour à de meilleurs sentiments qui derrière les levées de ton de Niamey, et la fermeté affichée de Cotonou relève toute une réalité.

Mieux vaut tard que jamais pourrait-on dire. Après environ un an de vives tensions, Cotonou et Niamey affichent de nouveaux élans. Suite à la visite des anciens présidents béninois Nicéphore Soglo (1991-1996) et Thomas Boni Yayi (2006-2016) du 24 au 27 juin 2024 à Niamey, où ils ont rencontré le 25 juin le général Abdhouramane Tiani, chef de la transition au Niger, suivie de leur rencontre le 1er juillet avec leur successeur Patrice Talon à Cotonou, l’opinion attendait de voir les lignes bouger.

Deux propositions avaient été rendues publiques au soir du 1er juin par les médias officiels du Niger dans un communiqué signé par les deux anciens chefs d’État béninois et le premier ministre nigérien qui a assisté à la rencontre de Niamey.

- Publicité-

La première proposition est la mise en place d’une commission tripartite, composée des représentants du Niger et du Bénin et des deux anciens présidents béninois. La seconde est l’envoi d’une délégation nigérienne de haut-niveau à Cotonou pour rencontrer le président Talon.

Les 24 et 25 juillet, une délégation nigérienne était à Cotonou pour rencontrer le président béninois Patrice Talon avec pour objectif, décrisper et normaliser les relations entre les deux pays.  De quoi redynamiser les relations entre les Bénin et le Niger, sclérosées.

Mauvaise fortune

La crise entre le Bénin et le Niger aura porté un coup dur aux performances du port de Cotonou considéré comme le port naturel du Niger, un pays de l’hinterland. Le nombre de navires ayant accosté au port de Cotonou a chuté de 203 au premier trimestre 2023 à 159 au premier trimestre 2024, soit une réduction de 23,6 % en glissement annuel.  Le chiffre d’affaires du Port autonome de Cotonou a baissé de 10 à 15 % maximum, avait confié Bart Van Eeno, directeur général du Port de Cotonou, au cours d’une intervention sur une radio locale. 90% du volume de transit vers les pays de l’hinterland concerne le Niger avait-il expliqué. Selon le rapport «The Container Port Performance Index (CPPI) 2023» de la Banque mondiale, le Port autonome de Cotonou fait partie des moins performants au monde. Il occupe la 50e  place en Afrique et 402e au plan mondial sur 405 ports évalués.

- Publicité-

Une situation qui ne saurait ne pas préoccuper les autorités béninoises quant à la nécessité de redynamiser le trafic du port de Cotonou, considéré comme le poumon de l’économie du pays. Surtout que des investissements y sont consentis, et le management confié à un partenaire, le Port d’Anvers, notamment.

Odeur de pétrole

L’option du Tchad pour faire transiter le pétrole du Niger n’est qu’une option désespérée.  La plus sure est celle de Cotonou. Rien que sur la base du nombre de juridictions que doit traverser ce pipe-line et sa longueur, sans oublier le contexte sécuritaire aussi bien au Niger qu’au Tchad.

Le pipeline Niger-Bénin d’une longueur totale de 1982 km, dont 1298 km au Niger et 684 km au Bénin, annoncé en septembre 2019, avec une fin des travaux initialement prévue pour fin 2022, mais ralentie en raison de la pandémie de Covid-19, ne sera opérationnel qu’en mars 2024. 

- Publicité-

La projection du pipeline Niger-Tchad-Cameroun devrait relier les champs pétroliers d’Agadem, dans le nord-est du Niger, à Doba, dans le sud du Tchad, sur une distance de 985 kilomètres, pour transporter le pétrole qui sera injecté dans une infrastructure déjà existante depuis 2003, qui va jusqu’à Komè, dans le sud du Cameroun, et longue de 1070 kilomètres. Son effectivité suppose qu’il faudra attendre des mois de travaux. Ce qui appelle également à de nouveaux investissements, alors que le Niger a déjà contracté une avance de 400 millions dollars de la Chine en guise d’avance à rembourser sur la commercialisation du brut.  Cette somme devrait être remboursée sur douze mois avec un taux d’intérêt de 7%.

Ces fonds étaient annoncés à être investis en priorité pour la  défense et la sécurité du pays, confronté depuis des années à des violences djihadistes récurrentes et meurtrières, perpétrées par des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique.

Option tenable ?

Une telle option, celle de faire transiter le pétrole nigérien par le Tchad, alors que la sécurité reste un véritable enjeu dans la zone d’Agadem, encore sous la menace de groupes armés, où des attaques visent le pipeline depuis le 12 juin dernier alors qu’officiellement une forte présence de 700 militaires (un effectif jugé insuffisant) assure la protection de l’infrastructure principale, semble risquée.

Un contexte face auquel la China National Petroleum Corporation (CNPC), la compagnie chinoise d’exploitation du pétrole nigérien, dont la maintenance des infrastructures du pipeline, a annoncé dimanche 21 juillet 2024 qu’elle suspendait tous les projets de construction sur le site d’Agadem jusqu’à ce que la situation sécuritaire s’améliore, complexifie la situation.

La virulence de Boko Haram dans cette zone avait été la principale cause de l’abandon du premier tracé du pipeline qui devait diriger le pétrole nigérien vers le Tchad. Le tracé partant d’Agadem au Niger à Sèmè-Kpodji au Bénin avait été jugé moins exposé.

Querelles de coépouses

Après un an au pouvoir, et les options qui s’offrent à Niamey pour relancer l’économie dans un contexte qu’est celui des lendemains de coup d’Etat, et de dissidence avec certains partenaires stratégiques, techniques et financiers, le plus dure est comment remettre  à flot le navire.

A l’évidence, Cotonou représente l’un des atouts de Niamey en dépit des quiproquos. Son principal grief était  la mise en application de Cotonou des sanctions de la CEDEAO au lendemain du putsch, bloquant au port de Cotonou des véhicules militaires et des produits pharmaceutiques.

Durant le bras de fer autour du chargement du brut nigérien, le président béninois, Patrice Talon, avait affiché la prédisposition du Bénin à accompagner le partenaire chinois (CNPC) dans la mise en Å“uvre des travaux complémentaires du pipeline au Niger, dont du matériel débarqué au port de Cotonou devrait être acheminé sur le Niger, mais bloqué en raison de la fermeture de la frontière du côté du Niger. Bien que Cotonou ait émis ses attentes en guise de collaboration avec les autorités nigériennes.

Alors, il parait suicidaire pour deux Etats qui ont leurs destins liés, de se livrer à des différends à n’en point  finir.  Aujourd’hui, si les deux parties semblent disposées à s’accorder leurs violons sur l’essentiel, il peut être envisagé  des relations décomplexées.

Quant au nÅ“ud gordien de la supposée implantation de bases militaires française au Bénin, le Niger devrait pouvoir trouver de réponses sur son fondement ou non avec la coopération militaire entre les deux Etats annoncée.

Des perspectives …

La visite de la délégation nigérienne au Bénin laisse présager de la prédisposition des autorités béninoises que nigériennes au dialogue. Toutefois, il ne faut pas être euphorique des déclarations officielles, et occulter que les États n’ont pas des amis mais des intérêts. Puisque cela importe que tout autres considérations. Encore que le Niger reste actuellement un enjeu majeur pour bon nombres de potentiels partenaires au plan sous-régional qu’à l’international voir géostratégique.

Toutefois, si le Bénin est pour le Niger un mal nécessaire et vice versa, il faudra encore plus pour une normalisation des relations, voire de la stratégie quitte même à passer outres certaines considérations.

Tout dépend des enjeux actuels de chacun des Etats. Le Bénin devra harmoniser ses principes face aux réalités, au regard des objectifs escomptés.

Après avoir effectué déjà un an à la tête de l’État, les nouvelles autorités nigériennes sont conscientes de ce que le temps de la légitimation du pouvoir est derrière et qu’il faut à présent jouer sur d’autres tableaux plus prometteurs, pour assoir leur pouvoir au risque de se rendre impopulaire.

Elles ont conscience des alternatives possibles, leurs avantages, leurs inconvénients et peuvent aujourd’hui agir avec plus de repartie si tant est qu’elles veulent relever les défis qui sont les leurs pour le mieux-être de leurs concitoyens. Un pas vient d’être franchi vers une sortie de crise entre Cotonou et Niamey. Mais également pour de nouvelles perspectives. Il y a un temps pour faire la ‘’guerre’’, et un autre pour s’assoir et discuter.

- Publicité-

A voir aussi

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici
Captcha verification failed!
Le score de l'utilisateur captcha a échoué. Contactez nous s'il vous plait!