Au Bénin, la peine capitale encore appelée peine de mort est abolie de fait et non appliquée depuis des décennies. Au motif de l’inscrire dans le marbre, la révision de la constitution a été défendue bec et ongles. Ce qui fut fait grâce à la loi N° 2019-40 du 07 novembre 2019, portant révision de la loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin. Mais à l’arrivée, une fois admis dans les geôles, il y a comme une double peine qui plane sur le détenu.
Dimanche 30 juin 2024, l’opinion a été ébahie et indignée par une image devenue virale sur la toile. Il s’agit du décès du jeune étudiant Latifou Radji détenu à la prison civile de Missérété, sous assistance respiratoire, menotté à son lit d’hôpital.
Arrêté et en prison depuis janvier 2020, quelques jours plutôt avant ce triste évènement, des alertes sur sa situation sanitaire avaient fait le tour de la toile pour inviter le chef de l’Etat à se pencher sur son cas pour sa libération.
Souffrant d’une maladie dont le diagnostic est inconnu de l’opinion, il a fini par rendre son dernier soupir. Un énième cas de décès dans les geôles de prisonnier souffrant d’affections sanitaires.
Le silence assourdissant des autorités compétentes en rajoute aux cas qui se sont produits ces dernières années, si bien que la situation commence par devenir banale, et cela interpelle.
Quid des dispositions prévues par la loi ?
Une question d’actualité en sept interrogations a été déposée le mardi 2 juillet 2024 par un député pour exiger du gouvernement béninois des explications suite au décès du jeune étudiant Latifou Radji. En attendant de voir clair dans cette situation et sur les conditions carcérales dans le pays, il est à souhaiter que ce genre de situations soient vite conjuguées au passé.
Et pourtant au Bénin, une loi a été prise pour palier à des cas du genre. La loi N° 2022-l9 du 19 octobre 2022 modifiant et complétant la loi N° 2012-15 du 18 mars 2013 portant Code de procédure pénale en République du Bénin au TITRE III DU TIVRE V intitulé « DE LA LIBERATION CONDITIONNELLE ET DE LA SUSPENSION DE L’EXECUTION DES PEINES », en son Article 810-1 énumère clairement les circonstances et mécanismes pour bénéficier d’une telle disposition.
«La preuve de l’humanité dans une civilisation, est sa capacité à se battre aux côtés de ceux qui ne peuvent se défendre », soutiennent les défenseurs des bonnes causes.
Comme le réclame dans son célèbre album éponyme le groupe musicien Burkinabé Yélenne ; sur ce dossier et pour que cela ne devienne un fait d’ordinaire pour des détenus dans nos prisons ; « Juste un peu de lumière » pour situer les responsabilités.
Puisque, « ce n’est pas d’une institution que vient le mal ; il vient de plus profond : de l’éternelle méchanceté de l’âme humaine », soutient Albert Londre, l’un des plus célèbres journalistes Français qui a enquêté sur le Bagne.
Tomber malade, une « erreur » fatale ?
Dans une tribune intitulée : «Le cri de cÅ“ur d’une détenue politique aux droits bafoués jusque dans les geôles» diffusée le 5 avril 2024, via ses canaux digitaux et les médias, Réckya Madougou, avait dénoncé qu’il lui a fallu plus de deux années pour obtenir une simple autorisation d’aller procéder à des examens médicaux dans des hôpitaux sur le territoire national.
L’opposante à Patrice Talon, arrêtée le mercredi 3 mars 2021 à Porto-Novo, et condamnée à 20 ans de prison pour « financement du terrorisme » le samedi 11 décembre 2021 pour ‘’complicité d’actes terroristes’’ par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), a fait des déballages.
Malgré la recrudescence de ses douleurs, confirmées par la radiographie, elle est interdite de téléphoner à son médecin personnel pour lui transmettre les résultats des analyses réalisées et discuter avec ce dernier de la pathologie identifiée, en attendant son prochain voyage au Bénin dénonçait-elle.
Une des enquêtes publiées en 2022 réalisée dans le cadre du projet “Enquêtes sur les droits sociaux au Bénin en 2021: cas de l’eau et la santé”, qui a bénéficie de l’appui technique et financier de la Fondation Friedrich Ebert (FES) au Bénin et piloté par Banouto, dans un partenariat avec Matin Libre, La Météo, Daabaaru et ODD TV qui s’est penchée sur la situation sanitaire des prisonniers au Bénin a révélé d’innombrables disfonctionnements.
Relevant que : paludisme, dermatose, troubles digestifs, insomnie, surpopulation carcérale et des conditions de détention pas encore conformes aux règles Nelson Mandela, selon la Commission béninoise des droits de l’Homme (CBDH), sont à l’origine de nombreuses maladies dans les prisons. « Le système de soins de santé dans les centres de détention continue de présenter des insuffisances », note-t-on malgré les ‘’efforts’’.
Que faire face à l’épée de Damoclès ?
Il y a comme une épée de Damoclès qui plane sur la tête des détenus au Bénin. Bien que le décès soit un fait propre aux êtres vivant, en l’occurrence les humains, les circonstances de ces cas de décès interpellent sur les conditions de détention et de jouissance des droits des détenus, notamment en milieu carcéral au Bénin.
La bonne gouvernance, voudrait que de façon annuelle l’Agence dresse un bilan de l’État des prisons, des soins de santés, des décès, des mis en liberté et autres. Les ONG qui s’occupent des questions des droits humains devront en faire leur cheval de batail pour humaniser les lieux de détentions.
La puce n’est souvent mise à l’oreille de l’opinion que lorsque qu’il s’agit de cas de ‘’personnalités publiques’’ détenues et hospitalisées qui sont passés de vie à trépas, ou en quête d’évacuation sanitaire.
Au nombre de ces cas, on peut noter, le décès de l’ex-directeur général de l’Agence nationale des transports terrestres (ANaTT), Thomas Agbéva, le 15 juillet 2022 au Centre hospitalier départemental de l’Ouémé, un an environ après sa détention. Condamné et détenu en prison, Sébastien Kinsiclounon, ex-secrétaire général de la mairie d’Abomey-Calavi, hospitalisé est décédé dans la nuit du jeudi 17 au vendredi 18 mars 2022 au CNHU de Cotonou. Hospitalisé dans le même hôpital, l’ex maire d’Abomey-Calavi, Georges Bada a dû prendre ses jambes à son cou.
Après son évasion spectaculaire, 24 heures après, il est annoncé en Europe dans des médias, indiquant : «â€‰Je suis présentement en Europe pour suivre mon opération. Des gens ont voulu me tuer. Mais j’ai choisi de vivre ». Il a préféré se faire opérer dans un pays où il se sent en sécurité, où sa vie n’est pas en danger a-t-on commenté. De plus chanceux ont été évacués pour suivre des soins hors du pays.
Outres ces cas connus du public, il reste à savoir ce qu’il en est des détenus lambdas. Face à ce genre de situations, « La pire des choses, ce n’est pas la méchanceté des gens mauvais, c’est le silence des gens bien », s’offusquait Norbert Zongo.
A qui rend-on service en agissant ici et maintenant ?
Une anecdote raconte qu’un maire a demandé au conseil communal de choisir entre l’amélioration de la cantine scolaire de la commune et celle de la prison. Les conseillers ont choisi l’école. Contre toute attente, le maire leur a rappelé qu’à leur âge ils ne retourneront plus à l’école, mais ils peuvent se retrouver un jour en prison. Ainsi, le choix a été vite fait.
Aussi hilarante que peut paraitre cette anecdote, elle relève de ce qu’il est important d’agir non pas pour les détenus mais pour soi-même en améliorant les conditions de détention car pour un rien tout le monde peut s’y retrouver.
Cependant, autant qu’il faut améliorer les conditions de détentions, il faudrait également le faire dans le secteur de l’éducation.
« Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne ne sont jamais allés à l’école une fois, et ne savent pas lire, et signent d’une croix. C’est dans cette ombre-là qu’ils ont trouvé le crime. L’ignorance est la nuit qui commence l’abîme. Où rampe la raison, l’honnêteté périt », a écrit Victor Hugo.
Des témoignages glaçants sur les conditions de détention et d’accès aux soins sont légions.
Malheureusement, les indignations et autres amertumes ne pourront plus rien y faire après les décès. Mais, on peut éviter que cela advienne à l’avenir.
Combien sont-ils dans le « couloir de la mort » ?
Seul notre sens d’humanisme fait de nous des humains. Et cela passe par les conditions offertes aux gens les plus nécessiteux, voir dont on n’attend rien en retour. Au nombre de ceux-ci se retrouvent les personnes dans les liens de détention dont certains peuvent même recouvrer leur liberté et être toujours utiles à la Nation, ou même depuis leur lieu de détention. A moins de vouloir les condamner en dépit du verdict des tribunaux à une double peine.
Bien qu’à la suite de l’ex ministre de la communication, porte-parole du gouvernement, et actuel préfet du Littoral Me Alain Orounla, certains diront que « la prison n’est pas un hôtel cinq étoiles », la prison n’est non plus le couloir de la mort, et même s’il s’agissait d’un condamné à la peine capitale ; tant que la peine n’est pas exécutée le détenu devrait jouir de ses droits, dont celui de vie. A plus forte raison, la peine capitale n’est plus d’actualité sous nos cieux.
En réclamant de fermer le Bagne à la suite de son enquête, Albert Londres, relevait la nécessité depuis des lustres d’humaniser les lieux de rééducation.
« Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive !» disent les Saintes écritures.