Le Mali donne du fil à retordre au Fonds Monétaire International qui, depuis plusieurs mois, mobilise ses efforts pour intégrer Bamako dans son cercle de programmes. Il s’agit du seul pays de l’Union Monétaire et Économique Ouest-Africaine à ne pas en avoir, le seul également de l’alliance des États du Sahel. Le Burkina Faso et le Niger, ses deux voisins, ont négocié un programme d’accord avec l’organisation financière.
Entre le Mali et le FMI, des discussions sont actuellement en cours. Elles s’apparentent à un bras de fer. À la mi-décembre, l’institution de Bretton Woods a dépêché une délégation dans la capitale malienne, mais sans rencontre directe avec le ministre de l’Économie et des Finances, seulement avec des représentants. Un premier fait qui illustre les tensions entre les deux parties. Bamako se montre réfractaire à une organisation de plus en plus critiquée pour ses orientations, ses insuffisances et sa pression en matière d’aide et de financement.
Exemple : fin avril 2024, le FMI a accordé un fonds d’urgence de 120 millions de dollars au Mali, prélude à des négociations sur un programme financier dédié à la sécurité alimentaire, mais jugé trop contraignant par les autorités maliennes qui souhaitent avoir le dernier mot sur l’utilisation des fonds. En d’autres termes, pas question de céder en matière de souveraineté financière. De son côté, l’institution financière internationale, largement sous influence américaine, ne lâche rien dans les pays du Sahel, pourtant sanctionnés par la Banque mondiale au motif de coups d’État successifs dans la région. En réalité, le FMI mise sur la croissance des pays de la zone, dont le Mali, qui constitue un potentiel d’investissement important en Afrique subsaharienne.
L’équipe du FMI a également tenu des discussions sur les perspectives et les politiques économiques du Mali dans le cadre de la consultation au titre de l’article 4 de 2024. « Nous estimons que l’économie du Mali a progressé de 4,4 % en 2023, faisant preuve de résilience dans des circonstances difficiles et à la suite de multiples chocs ces dernières années », a indiqué le FMI. Alors que la hausse des prix de l’or et du coton a stimulé les exportations, les préoccupations accrues en matière de sécurité et les fréquentes pannes d’électricité ont pesé négativement sur la croissance. L’inflation globale a chuté à 2,1 % en 2023 contre 9,7 % en 2022, mais le coût des aliments est resté élevé et a contribué à l’augmentation de l’insécurité alimentaire.
Point d’achoppement dans les négociations entre Bamako et le FMI : le règlement de la dette du Mali envers notamment l’UEMOA. Le contexte est peu favorable aux institutions financières et économiques ouest-africaines, alors que la priorité au Mali est donnée aux dépenses d’ordre sécuritaire. Mais il faut souligner une situation ubuesque : les sanctions de l’organisation monétaire ouest-africaine et de la CEDEAO ont mis à mal les capacités de remboursement des pays du Sahel et conduit au retrait de l’institution régionale. En février 2022, le gouvernement malien avait annoncé ne pas pouvoir payer les sommes dues sur le marché régional en raison des restrictions imposées par ces organisations. Malgré des avoirs suffisants du Trésor public du Mali dans ses livres, la banque centrale BCEAO n’a pas procédé au règlement de l’échéance du 28 janvier 2022, affirme le gouverneur dans un communiqué signé par le ministre de l’Économie et des Finances, Alouséni Sanou.
Si les équipes du FMI espèrent formaliser un accord avec Bamako d’ici au premier trimestre 2025, rien n’est encore fait. Les difficultés sécuritaires ne sont pas de nature, c’est vrai, à rassurer les investisseurs étrangers. Une situation qui pousse donc les pays de la zone à accepter des accords avec le FMI. Si l’instance oblige les pays africains à mener des réformes qu’elle entend orienter sous peine de geler son aide, ces mêmes pays choisissent d’autres options pour consolider leur financement.
Le 30 octobre dernier, par exemple, le Sénégal a levé 300 millions de dollars sur le marché international en raison du report des décaissements du FMI. Cette opération répond à une nécessité de consolidation du financement en raison du report des décaissements initialement prévus du Fonds Monétaire International à la suite de l’audit. Le gouvernement envisage d’entamer des discussions avec le FMI pour établir un nouveau programme aligné sur les objectifs d’assainissement du cadre macroéconomique et la mise en Å“uvre de la vision de développement des nouvelles autorités. Le Sénégal et le Mali résistent pour l’instant aux injonctions du FMI tout en poursuivant les discussions.
Une tendance qui devrait se renforcer puisque la pression change peu à peu de camp. L’organe de Bretton Woods est appelé à revoir son mode de fonctionnement dans le cadre d’une réforme de l’architecture financière internationale, en misant par exemple sur les émissions de droits de tirage spéciaux pour permettre de libérer plus de financements et alléger le poids de la dette africaine. Le FMI se voit dans l’obligation d’accepter ce principe, signe que sa marge de manÅ“uvre est de plus en plus limitée.