La nécessité de mettre sur pied une armée européenne refait surface, suite à la consternation des Européens à propos des modalités du retrait des troupes américaines d’Afghanistan. D’une part, des voix sont favorables à une « autonomie stratégique » et expliquent que la chute de Kaboul doit servir de leçon ; de l’autre, les détracteurs de cette option estiment qu’il n’y a pas de menace existentielle justifiant la création d’une force militaire.
« L’Afghanistan a démontré que nos retards en matière d’autonomie stratégique ont un coût et que la seule manière de progresser est de combiner nos forces et de renforcer non seulement nos capacités, mais aussi notre volonté d’agir », a ainsi déclaré le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, jeudi 2 septembre, à l’issue d’une réunion en Slovénie des ministres de la Défense de l’Union européenne (UE) sur la création d’une force de réaction rapide européenne.
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Même la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, a proposé, jeudi dans un tweet, que « des coalitions de pays volontaires » puissent permettre de gérer de futures crises. AKK, comme elle est surnommée, avait pourtant écrit en novembre 2020, une tribune, publiée sur Politico, dans laquelle elle affirmait que « les illusions sur une autonomie stratégique européenne devaient cesser ». Soulignant que « les Européens ne seront pas capables de remplacer l’Amérique dans son rôle crucial de garant de la sécurité ».
Lors d’une rencontre à l’Élysée avec le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, mardi 30 août, Emmanuel Macron a de nouveau insisté sur ce point. Les deux leaders ont publié un communiqué conjoint, pressant l’UE de développer son « autonomie stratégique », afin de pouvoir assumer « davantage la responsabilité de sa sécurité et de sa défense ».
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Première économie de l’UE, l’Allemagne n’a ainsi consacré que 1,53 % de son PIB à son budget de défense, soit une augmentation de moins de 0,5 %, depuis 2015 pour une armée déjà sous-dotée.
« L’Allemagne a augmenté ses dépenses en matière de défense depuis l’annexion de la Crimée, mais ce n’est pas suffisant et Berlin a peu de chances d’atteindre d’ici à 2024 l’objectif fixé par l’Otan », estime Claudia Major, une spécialiste de ces questions à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité. « En fin de compte, tout dépend de la perception de la menace, résume-t-elle. Les pays comme l’Allemagne ne dépensent pas beaucoup d’argent dans ce domaine car ils ne se sentent pas menacés. »
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A contrario, et sans surprise, les trois États baltes et la Pologne, qui partagent une frontière et des relations historiquement tumultueuses avec la Russie, font partie des neuf pays européens membres de l’Otan à atteindre l’objectif de dépenses.
La participation du Royaume-Uni est essentielle pour l’autonomie stratégique européenne, selon les experts. « Effectuer des missions comme celles menées par l’Otan et assurer la défense du continent européen seraient probablement impossibles sans le Royaume-Uni », estime Shashank Joshi, spécialiste des questions de défense à l’hebdomadaire The Economist.
Malgré les tensions actuelles entre Londres et Bruxelles, plusieurs voix au Parlement britannique partagent l’idée que l’Europe ne devrait pas dépendre militairement des États-Unis. Le Royaume-Uni voudra donc « coopérer sur le long terme avec l’UE sur les questions de défense et de sécurité », affirme l’éditorialiste.
Extrait de l’original traduit de l’Anglais par Romain Brunet, journaliste à France 24.