Avec la mise en place d’une taxe de 1 % sur les paiements en espèces de plus de 100 000 FCFA, à compter du 1er janvier 2025, le Bénin s’oriente vers une économie numérique. Cette mesure soulève des opportunités et des défis majeurs, entre inclusion financière, risques d’exclusion numérique et enjeux de cybersécurité.
Au Bénin, l’une des dispositions du Budget général de l’État, exercice 2025, d’un montant de 3.551 milliards FCFA, est la taxe sur les paiements en espèces de plus de 100 000 FCFA. Mais alors que les citoyens se plaignent, il est à noter que cette taxe sur les paiements en espèces supérieurs à 100 000 FCFA n’est pas une nouvelle mesure.
En effet, le Directeur Général des Impôts, Nicolas Yenoussi a révélé qu’au niveau de la fiscalité, en 2011, la Direction Générale des Impôts avait déjà introduit une amende de 10 % pour les entreprises qui effectuent des paiements en espèces supérieurs à 100 000 FCFA. En 2012, le taux de cette amende a été réduit à 5 %, appliqué jusqu’au 31 décembre 2024.
Pour mieux comprendre les objectifs et les implications de cette mesure, les explications du Directeur Général des Impôts, Nicolas Yenoussi, permettent de lever le voile sur les changements apportés et leur portée réelle.
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« Lorsque vous faites des dépenses supérieures à 100 000 FCFA en espèces, vous payez une amende de 5 % du surplus de 100 000. Ce qui va changer en 2025, c’est que nous avons réduit le taux de 5 à 1 %. Mais il ne prendra plus la nature d’une amende. Ce sera donc un prélèvement direct de 1 % pour une meilleure application », a expliqué Nicolas Yenoussi, qui annonce une généralisation de la mesure.
Selon lui, la mesure pesait exclusivement sur les dépenses effectuées par les entreprises. « Et si nous mettons en place des mesures de bancarisation, des mesures de digitalisation, il faudrait que ces mesures soient renforcées, il faudrait que nous diminuions le transport et le paiement de nos dépenses en espèces », a-t-il clarifié.
Porte-monnaie électronique
C’est pourquoi, au Bénin, le gouvernement a développé de nombreux systèmes de paiement digitaux, dont le paiement par téléphonie mobile, les virements bancaires, les chèques, etc. « Concrètement, nous devons prendre des dispositions pour que nos dépenses supérieures à 100 000 FCFA puissent être faites par téléphonie mobile, par virement ou par chèque », a souhaité Nicolas Yenoussi.
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Cette économie sans cash, qui ne concerne pas les dépôts d’espèces dans les porte-monnaies électroniques, les guichets de banque, ou les transferts d’argent, s’élargit au public à compter du 1er janvier 2025. Par conséquent, un citoyen béninois qui décide d’acheter des feuilles de tôle ou du ciment pour plus de 100 000 FCFA est invité à effectuer le paiement par monnaie électronique.
Des citoyens entre enthousiasme et défis quotidiens
Alors que les autorités justifient cette mesure par des raisons fiscales et économiques, qu’en pensent les principaux concernés ? Les citoyens et les acteurs économiques, directement impactés par cette transition, partagent leurs expériences et leurs préoccupations.
Adrien Rabi, utilisateur de solutions numériques, ne se rappelle plus vraiment de la dernière fois qu’il a effectué un paiement de plus de 100 000 FCFA en espèces. « Depuis que j’ai adopté le télépaiement, je gagne beaucoup de temps dans mes transactions quotidiennes. Cependant, il m’arrive parfois de perdre patience à cause des problèmes de réseau. Malgré tout, c’est une solution pratique qui m’évite de transporter de grosses sommes d’argent », a-t-il confié.
Pour Ismaël Montéro, jeune commerçant, le télépaiement a facilité ses relations avec ses clients, surtout ceux qui préfèrent ne pas utiliser de liquide. « Mais j’ai souvent des soucis pour récupérer mon argent sur mon compte à cause des frais élevés. J’espère que les banques et les services de paiement trouveront un moyen de réduire ces charges », a-t-il souhaité.
Prévert, gestionnaire de supermarché et utilisateur du télépaiement, soutient que les paiements électroniques ont réduit les risques liés à la manipulation de grosses sommes d’argent en espèces. « Cela dit, l’intégration des solutions de télépaiement dans notre système a nécessité un investissement important. À long terme, je suis convaincu que cela augmentera la satisfaction et la fidélité de nos clients », a-t-il ajouté.
Transition numérique stratégique
Au-delà des impressions des usagers, cette transition vers une économie sans cash soulève des questions techniques et stratégiques. Pour mieux comprendre les enjeux sous-jacents, le cyberjuriste Narcisse Akodjètin apporte un éclairage précis sur les opportunités et les défis liés à cette réforme.
« Il s’agit entre autres de la réduction des billets en circulation pour limiter l’inflation et lutter contre le faux monnayage. On peut y ajouter le besoin de traçabilité des paiements pour les recouvrements fiscaux, la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux », a-t-il expliqué.
Il souligne que cette transition vers le numérique implique une obligation de couverture à grande échelle des besoins en monnaies électroniques au sein des établissements financiers et induit un besoin de suppression des plafonnements des opérations en monnaies électroniques.
« Cette transition ne concerne que les opérations de paiements supérieures ou égales à 100 000 FCFA assorties d’une taxation de 1 % lorsque l’acheteur fait le choix de payer en espèces », a-t-il clarifié. Il rassure par ailleurs que plusieurs mécanismes ont été mis en place pour rendre ces services accessibles, quel que soit le fournisseur d’accès.
Si la transition vers une économie sans cash offre de nombreuses opportunités, elle n’est pas sans défis. Une infrastructure numérique solide et accessible à tous sera essentielle pour garantir une adoption inclusive et réussie de cette réforme au Bénin.